Modèles qualitatifs vs. Six Sigma

Au cours de ces dernières années, Six Sigma a gagné beaucoup de terrain sur les autres méthodes qualitatives. La force de Six Sigma, et les réussites liées à son utilisation, amènent de plus en plus d’entreprises à décider d’adopter la méthode mise au point au départ par Bill Smith (Motorola). Mais, il faut aussi savoir que Six Sigma n’est pas non plus la panacée et connaît donc des limites. Il semble donc logique de réunir les points forts des différentes méthodes pour ainsi aboutir à une méthode intégrale d’amélioration continue qui permette de jeter un pont mesurable entre stratégie et processus de travail. Dans cet article, nous allons donc nous concentrer sur l’utilisation de Six Sigma au sein des organisations et sur l’intégration de Six Sigma dans les instruments de management existants.

La force de Six Sigma

Une des questions souvent posées concerne le fait de savoir si Six Sigma est réellement synonyme de valeur ajoutée par rapport aux autres méthodes qualitatives. L’origine de cette question est compréhensible vu le fait que le cycle d’amélioration DMAIC est directement tiré du bon vieux principe de la roue de Deming, qui développa, vers le milieu du siècle passé, le concept du cercle Plan Do Check Act et jeta ainsi les bases des concepts plus modernes d’amélioration continue des processus d’entreprise. Qui plus est, la majorité des instruments utilisés dans Six Sigma existent déjà depuis pas mal de temps. Pourtant, certains aspects différencient Six Sigma des autres méthodes qualitatives. Un de ces aspects, importants, est le fait que le client (interne et externe) de Six Sigma occupe explicitement la place centrale. Les améliorations ne sont effectuées qu’au niveau des caractéristiques des processus qui influencent la satisfaction du client. Au sein de Six Sigma, ces caractéristiques sont désignées par les termes Critical To Quality (CTQ). Une condition supplémentaire à l’exécution des projets d’amélioration est que ces projets d’amélioration doivent être synonymes d’une contribution financière significative. Une règle d’or très utilisée est que les projets doivent rapporter au moins 50 k euros. Au sein des plus grandes organisations, le seuil est même parfois fixé à 100 k euros. Ces points de départ font que dans le cadre de Six Sigma, la qualité ne coûte pas d’argent, mais au contraire en rapporte. Cela permet d’éviter le risque de vouloir ‘améliorer pour améliorer’ et donc de ne pas suffisamment se concentrer sur l’aspect financier. La réalité du risque lié aux méthodes qualitatives est illustrée par le fait que le lauréat du prix de la qualité en 1997, Vredestein Fietsbanden B.V., a été contraint d’arrêter ses activités opérationnelles à Doetinchem peu de temps après en raison de mauvais résultats. Dans la norme ISO 9001:2000, la perspective financière est même complètement à la traîne. Outre les aspects cités plus avant, Six Sigma propose aussi une méthode concrète, acceptable et efficace pour réaliser et garantir des améliorations structurées au sein de l’organisation. La pratique nous a appris que le concept Plan Do Check Act seul n’offre pas suffisamment de leviers pour cela et que de ce fait les initiatives s’enlisent et les solutions proposées restent suboptimales et ne sont pas de nature durable. En avant-goût de la comparaison des différentes méthodes qualitatives effectuée plus loin dans cet article, on peut déjà dire que la norme ISO 9001:2000, par exemple, propose une approche du bâton au niveau de la garantie de la qualité au sein de l’organisation; mais que la transposition de cette norme dans la pratique n’est pas toujours évidente. C’est ainsi que la norme ISO 9001:2000 préconise d’être en permanence attentif à la qualité, mais ne fournit aucune indication sur la manière de mettre en pratique cette attention permanente. Le plan par étapes de Six Sigma (DMAIC) et sa boîte à outils (FMEA, DoE, QFD, etc.) offre, par contre, un canevas clair sur la manière d’exécuter les projets d’amélioration de manière efficace et efficiente. En abordant les problèmes à la source en s’aidant de ce canevas, Six Sigma vise à ‘bien faire les choses du premier coup’. Dans Six Sigma, l’accent est donc mis sur le processus sous-jacent, pas sur le produit ou le service lui-même. Les erreurs sont évitées grâce à la prise en compte et à l’amélioration proactive des processus internes critiques.

Le revers de la médaille

Au niveau de l’implémentation de Six Sigma dans les organisations belges, ces dernières optent le plus souvent pour une introduction progressive de la méthode. La méthode est expérimentée dans le cadre d’un ou de plusieurs projets pilotes et en cas résultats satisfaisants, l’approche est élargie à une plus grande partie ou à l’ensemble de l’organisation. L’avantage de cette approche est qu’elle ne perturbe qu’un minimum les activités quotidiennes et que le nombre de personnes à former pendant la phase de début est lui aussi limité à un nombre minimum. De ce fait, les investissements de départ sont relativement peu élevés. Le plus souvent, les premiers projets sont sélectionnés dans la phase (pilote) de manière bottom up. Ce sont les Green Belts ou Black Belts (potentiels) qui sur la base de leur connaissance du contexte, identifient les ‘gains faciles’ et définissent les projets pilotes sur cette base. Ces projets ne sont généralement pas des projets décisifs, mais des projets moins complexes de taille limitée qui affichent de grandes probabilités de réussite (aussi bien au sens technique qu’au sens financier). En optant précisément pour des projets de ce type, la base de Six Sigma augmente et les projets initiaux peuvent faire office d’ambassadeurs dans l’organisation. Le revers de la médaille, c’est toutefois que ces projets peuvent ne pas s’inscrire dans la droite ligne des objectifs stratégiques de l’entreprise. Bien que cela puisse s’avérer peu important quand il s’agit de projets (pilotes) – puisque la seule condition à laquelle ils doivent satisfaire est que leur résultat doit être une contribution positive mesurable en termes de résultat financier et de satisfaction du client – pour l’implémentation durable de Six Sigma, les projets devront être sélectionnés sur la base des objectifs de l’organisation. Six Sigma a prévu une solution adaptée. Pour faire le lien entre l’amélioration des processus et les objectifs stratégiques, il faut ajouter à la méthode Six Sigma des aspects relatifs à la direction stratégique. Dans la suite de cet article, sur la base d’une comparaison des méthodes qualitatives les plus utilisées en Belgique, nous allons présenter une approche intégrale d’amélioration permanente.

Comparaison d’ISO 9001:2000, Balanced Scorecard, INK et Six Sigma

[nt]Les méthodes qualitatives les plus utilisées en Belgique sont sans aucun doute ISO 9001:2000, Balanced Scorecard et le modèle INK. Ces modèles – tout comme Six Sigma visent à stimuler l’aspect apprentissage d’une entreprise par le biais de l’amélioration continue. Précisément parce que les modèles ont pour base le cycle PDCA, on a choisi de comparer ces modèles à Six Sigma sur la base de l’exécution de ce cycle. Cela signifie que tous les avantages inhérents à ces méthodes ne sont pas repris dans le tableau 1 et qu’on n’y retrouve que ceux qui concernent l’approche de l’amélioration permanente. Nous allons donner ci-dessous une brève explication de ce tableau par modèle. Le modèle de management INK et ses neuf domaines de résultat constitue un modèle de management complet qui offre aux entreprises les ingrédients nécessaires pour s’améliorer. Le désavantage de ce modèle réside toutefois dans sa nature qualitative et générique ce qui oblige l’utilisateur à élaborer lui-même la recette pour arriver à une amélioration ciblée. De ce fait, ce modèle fournit un fil directeur dans la fixation du cap de l’entreprise et peut être utilisé pour élaborer une vision et une stratégie ainsi que les plans d’amélioration qui en découlent. En tant qu’instrument d’évaluation, ce modèle apporte une valeur ajoutée certaine. Déterminer la position d’une organisation par rapport aux neuf domaines de résultat à intervalles fixes permet d’identifier des points de développement de manière intégrale et d’y adapter la stratégie. Le modèle INK ne fournit cependant pas de leviers pour transposer ces formulations globales en actions d’amélioration claires et concrètes. Cette limitation s’applique aussi à ISO 9001:2000 et à Balanced Scorecard. La méthode Six Sigma offre bien, par contre, les points d’appui nécessaire à ce niveau.

Vergelijking-INK-model-de-Balanced-Scorecard-en-Six-Sigma-klik-op-de-figuur-om-te-vergroten

Comparaison du modèle INK, Balanced Scorecard et Six Sigma  Six Sigma est fortement orienté vers une prise de décision basée sur données, pas sur l’intuition ou l’instinct. Au sein de Six Sigma, cette notion prend forme en rendant intelligible la relation entre les exigences du client (mieux connu dans Six Sigma comme la ‘voice of the customer’) et les processus internes et en mesurant les points critiques (CTQ) à intervalles réguliers. Tout comme Six Sigma, Balanced Scorecard repose aussi sur le principe du ‘management by fact’. La différence entre Balanced Scorecard et Six Sigma se situe au niveau de la nature du processus à mesurer et aux valeurs y afférentes. Les indicateurs de prestation au sein d’un Balanced Scorecard sont axés sur l’implémentation et l’amélioration des stratégies d’entreprise (‘strategic deployment’). Dans ce processus de pilotage, la mesure des valeurs moyennes à une relativement faible fréquence suffit généralement. Six Sigma, par contre, est principalement axé sur l’amélioration des processus de travail (processus primaires) et sur la réduction de la variation de l’output de ces processus. C’est en effet le client qui évalue cette variation et juge l’organisation sur cet élément. S’il y a en moyenne trois personnes avant vous chez le dentiste, en cas d’importante variation du délai d’attente, il se peut que six autres patients passeront encore avant vous alors qu’à votre visite précédente vous étiez passé tout de suite. Se limiter à mesurer des valeurs moyennes s’avère donc souvent insuffisant dans Six Sigma. De plus, la fréquence de mesure au niveau du processus primaire sera plus élevée qu’au niveau du processus de pilotage et cela du fait qu’au niveau de ces processus, les variations peuvent survenir dans des délais relativement courts.

Modèle de pilotage intégral d’amélioration continue

On peut constater qu’aussi bien BSC que Six Sigma permettent de comprendre les processus grâce à des indicateurs de performance, mais que dans ces modèles l’accent est mis respectivement sur le pilotage stratégique et le pilotage opérationnel de l’organisation. De ce fait, ces modèles sont aussi bien compatibles que complémentaires. Il est donc évident de vouloir combler les lacunes précédemment épinglées dans Six Sigma – la corrélation entre l’amélioration du processus et les objectifs stratégiques – avec la démarche BSC. Le modèle INK n’apporte pas de solution à ce niveau parce que ce modèle ne donne que des directives qualitatives et globales alors que ce qu’il faudrait, ce sont des mesures quantitatives détaillées. Les informations quantitatives issues de la méthode Balanced Scorecard permettent de prioritiser les projets Six Sigma potentiels sur la base de considérations stratégiques.  Le domaine d’attention dans lequel les projets d’amélioration devraient être exécutés d’un point de vue stratégique peut ainsi être déterminé de manière claire et simple sur la base de la performance des différents indicateurs de performance. La sélection finale d’un projet dépend toutefois également d’autres facteurs encore. En tout cas, l’impact du projet sur la satisfaction du client et la contribution du projet aux résultats de l’entreprise seront pris en compte dans le choix d’un projet. En utilisant une Balanced Scorecard de la sorte à l’intérieur de Six Sigma, on obtient un modèle de pilotage complet dans lequel les plans stratégiques sont convertis en actions d’amélioration concrètes sur le terrain (voir figure 2). Dans la perspective de Six Sigma on peut donc conclure que la Balanced Scorecard est un instrument qui fait vraiment partie du programme Six Sigma et qui contribue à une implémentation durable de la méthode.

Figure 2. Relation entre la Balanced Scorecard et Six Sigma La valeur pratique du modèle esquissé est illustré notamment par le fait que Philips Medical Systems (PMS) et Viterra Energy Services utilisent une approche similaire. Au sein de PMS, aussi bien Six Sigma (qui porte ici le nom d’application MEDIC) que la partie Balanced Scorecard font partie du programme qualitatif Business Excellence through Speed en Teamwork (BEST). La base de ce programme est constituée du modèle EFQM, la variante européenne du modèle INK. Dans ce cadre la Balanced Scorecard est utilisée au sein des domaines d’attention leadership, stratégie & politique pour la mesure des résultats, tandis que Six Sigma cible l’amélioration des processus. La Balanced Scorecard et Six Sigma occupent ici la même position que celle esquissée dans la figure 2. Le fait que le modèle INK joue un rôle central au sein du modèle qualitatif de Philips n’est pas étonnant si l’on pense que cette entreprise a été en partie à l’initiative de ce modèle dans les années 1980. Contrairement à la Balanced Scorcard, les modèles INK et ISO ne sont pas considérés comme absolument nécessaires pour l’application de Six Sigma. Ils peuvent toutefois jouer un rôle de soutien au sein du programme Six Sigma et il est logique de les utiliser quand une des deux méthodes est déjà utilisée dans l’organisation. La constatation précédente soulève la question de savoir si dans les prochaines années, Six Sigma ne va complètement dépasser le modèle INK en tant qu’instrument de management. Étant donné la popularité croissante de Six Sigma, ce scénario semble relativement probable. En tant qu’instrument d’évaluation, le modèle INK semble, par contre, promis à une plus longue vie et cela en raison, notamment, du fait que le modèle INK offre la possibilité de procéder de manière claire et uniforme et à benchmark avec d’autres entreprises. Le modèle INK revient ainsi à sa vocation d’origine. Sous cet angle, ISO 9001:2000 a moins à craindre de Six Sigma. Non seulement en raison du fait que la norme ISO 9001:2000 est étroitement imbriquée dans le management de nombreuses entreprises, mais aussi en raison du fait que l’aspect de garantie y est élaboré de manière plus concrète que dans la méthode DMAIC standard de Six Sigma.

 

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